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KÉRATOSES ACTINIQUES

Les kératoses actiniques sont des petites lésions rouges recouvertes de squames de peau dure et rugueuse, et siègent sur les zones découvertes à la lumière. Elles sont très fréquentes chez les sujets âgés, notamment à peau claire, et sont le témoin d’une surexposition solaire. Elles constituent le stade le plus précoce du carcinome épidermoïde. Le risque qu’elles évoluent vers un authentique cancer de peau est certes modéré, mais rend leur traitement indispensable. Une protection solaire rigoureuse permet de les prévenir.

Qu’est-ce qu’une kératose actinique ?

Les kératoses actiniques sont des lésions très fréquentes puisqu’elles atteignent 10 à 20% des adultes, le plus souvent après l’âge de 50 ans. Elles surviennent sur les zones qui sont exposées au soleil et résultent des dommages causés par les rayons solaires sur l’ADN des kératinocytes, cellules qui composent l’épiderme (cf chapitre “La dermatologie“). Elles sont considérées comme le stade le plus précoce de certains cancers de peau appelés “carcinomes épidermoïdes“.

Comment se manifestent les kératoses actiniques ?

Dans leur forme débutante, elles peuvent simplement se manifester par une petite tache rouge recouverte de squames (petites peaux mortes) qui tombent mais qui se reforment en quelques jours. Parfois elles ne sont presque pas visibles et c’est la palpation qui permettra de les détecter, par la sensation de toucher du papier de verre.

Si on les laisse évoluer, elles augmentent de taille et d’épaisseur pour devenir rugueuses et dures, s’apparentant à des petites croûtes jaunâtres ou brunes, ou des petites verrues.

Enfin après plusieurs mois ou années d’évolution, elles peuvent atteindre plusieurs millimètres d’épaisseur, constituant une corne cutanée, ou devenir mal limitées. On distingue souvent une plaque rouge, dure et épaisse à leur base. C’est à ce stade clinique qu’il faut envisager la possibilité d’une transformation en carcinome épidermoïde.

Les kératoses actiniques siègent principalement sur les zones découvertes, notamment sur le cuir chevelu des hommes atteints de calvitie, sur le visage (sur le nez, le bord des oreilles), le cou, le décolleté, le dos des mains, les bras et les membres inférieurs.

Il est possible de n’en avoir qu’une seule, mais elles sont le plus souvent multiples, parfois confluentes. Elles reposent sur une peau souvent rouge ou qui présente d’autres signes de surexposition solaire (taches brunes ou lentigo, taches dépigmentées, peau fine).

Quand dois-je consulter ?

La présence d’une croûte jaune ou brune, ou d’une tache rouge qui pèle et dont la croûte tombe et se reforme sans cesse pendant plus de 2 mois, doit alerter le patient et le motiver à consulter.

À quoi est due une kératose actinique ?

  • Les rayonnements ultra-violets :
    Les kératoses actiniques se développent sous l’effet des UV, principalement les UVB mais aussi les UVA. Ceux-ci provoquent des dommages sur l’ADN des kératinocytes, les cellules qui constituent l’épiderme. Lorsque ces mutations atteignent des gènes qui sont impliqués dans l’élimination des tumeurs et dans la réparation de l’ADN, ceux-ci perdent leur fonction protectrice vis à vis des cellules cancéreuses. Cela contribue à l’émergence de kératinocytes anormaux dits “atypiques“ qui prolifèrent, et se traduisant cliniquement par des kératoses actiniques.Les UV naturels mais aussi artificiels délivrés en cabine esthétique, sont responsables de leur survenue.
  • Les autres agents carcinogènes comme les radiations ionisantes (rayons X…), ou certains produits chimiques (arsenic, houille…) favorisent l’apparition de kératoses actiniques, en induisant les mêmes mutations génétiques.

Quels sont les sujets à risques de développer des kératoses actiniques ?

Il existe de nombreux facteurs de risques favorisant l’apparition de kératoses actiniques, au premier rang desquels, l’exposition aux rayons ultra-violets. Toutefois à conditions d’exposition solaire égale, les individus les plus susceptibles d’en présenter sont :

  • Âgés : de plus de 50 ans. Ceci résulte de la dose totale d’UV reçue au cours de la vie.
  • Des hommes : 1,35 hommes pour 1 femme atteinte.
  • De phototype clair 1 et 2 (cf chapitre « La Dermatologie »), c’est à dire ceux qui présentent une peau, des yeux et des cheveux clairs, et qui sont peu enclins à bronzer lors des expositions solaires. Leur peau ne fabriquent pas assez de mélanine (pigment naturel de la peau) pour protéger leur cellules épidermiques. À l’inverse, les individus à peau noire ne présentent quasiment jamais de kératose actinique.
  • Atteints de certaines maladies génétiques, responsables d’une absence ou d’une production insuffisante de mélanine (albinisme), ou induisant une défaillance des systèmes de réparations de l’ADN (xéroderma pigmentosum).
  • Immunodéprimés par des traitements (chimiothérapies, médicaments anti-rejet lors de transplantations d’organes…), ou infectés par le VIH.

Qu’est-ce-qu’un champ de cancérisation ?

Ce sont les zones cutanées où siègent des lésions provoquées par le soleil comme les kératoses actiniques ou les carcinomes basocellulaires et épidermoïdes. Ces zones sont soumises au même traumatisme solaire et sont donc possiblement porteuses des mêmes mutations génétiques UV-induites, même si celles-ci sont encore asymptomatiques. On considère ainsi qu’il existe de façon quasi-certaine des lésions infra-cliniques, c’est à dire pas encore visibles,  dans ces zones présentant une ou plusieurs kératoses actiniques. Cette notion récente de champ de cancérisation, a des conséquences pratiques sur la prise en charge de ces lésions : il ne s’agit plus de les traiter une à une, mais plutôt de traiter l’ensemble de la zone atteinte.

Y a t-il des examens complémentaires à faire en cas de kératoses actiniques ?

Non, dans la plupart des cas, l’examen clinique suffit pour repérer les kératoses actiniques. En cas de doute, votre dermatologue s’aidera de la dermoscopie ou de la vidéodermoscopie. Pour les lésions atypiques (épaisses, inflammatoires, indurées…), une biopsie de peau permettra de diagnostiquer une lésion transformée en carcinome épidermoïde.

La fluorescence émise lors de la réalisation d’une séance de photothérapie dynamique peut permettre de repérer un champ de cancérisation.

Quoiqu’il en soit, la présence d’une ou plusieurs kératoses actiniques nécessite un examen complet de la peau, à la recherche d’autres kératoses actiniques, ou d’autres lésions photo-induites comme les carcinomes ou les mélanomes.

Une kératose actinique se transforme t-elle forcément en cancer de peau ?

Une kératose actinique évolue de trois façons : la guérison spontanée qui est toutefois rare, la persistance sans aggravation, situation la plus fréquente, ou la transformation en cancer de peau de type carcinome épidermoïde.

L’évolution des kératoses actiniques en carcinome épidermoïde n’est pas obligatoire mais le risque est présent. Son estimation est difficile mais on sait qu’il est  cumulatif : le rsique est d’autant plus grand que l’ancienneté et le nombre de kératoses actiniques sont importants. Cependant on ne peut pas prédire à l’avance quelles seront les kératoses actiniques qui évolueront vers un carcinome épidermoïde.

Cette transformation se fait progressivement selon un continuum sans passer par un stade pré-cancéreux. C’est pour cette raison qu’on considère maintenant que les kératoses actiniques sont des carcinomes épidermoïdes au stade le plus précoce de leur évolution. Les kératoses actiniques sont en effet constituées de kératinocytes atypiques, initialement situés dans la partie superficielle de l’épiderme. Petit à petit, ces kératinocytes atypiques deviennent de plus en plus nombreux au sein de l’épiderme, et finissent par donner naissance à un carcinome épidermoïde lorsqu’ils atteignent toute la hauteur de l’épiderme et/ou envahissent le derme.

Certains aspects cliniques des kératoses actiniques font suspecter leur transformation en carcinome épidermoïde : l’inflammation (lorsqu’elles deviennent rouges, sensibles), l’induration, le diamètre > 1 cm, une augmentation rapide de leur taille, un saignement, et la présence d’ulcération.

Faut-il obligatoirement traiter les kératoses actiniques ?

La possibilité pour chaque kératose actinique de se transformer en carcinome épidermoïde, même si on ne peut prédire lesquelles et ni quand elles le deviendront, rend leur traitement indispensable.

Quels sont les traitements disponibles ?

Plusieurs traitements sont actuellement disponibles.

Le choix de l’un d’entre eux sera choisi en fonction du nombre, de l’ancienneté, de la localisation et de l’étendue des kératoses actiniques, de l’aspect de la zone cutanée adjacente, ainsi que de l’âge et de la préférence du patient.

La notion de champ de cancérisation donne la priorité au traitement de l’ensemble de la zone cutanée atteinte de kératoses actiniques. Cela permet de traiter les possibles lésions asymptomatiques pas encore détectables par l’examen clinique.

Traitement des kératoses actiniques isolées :
  • L’application d’azote liquide :
    La cryothérapie est le traitement de référence des kératoses actiniques isolées. La zone ainsi congelée est détruite. Elle se recouvre d’une croûte qui tombera en quelques jours. Cette technique entraine une douleur qui est toutefois supportable sans anesthésie. Elle peut parfois laisser des cicatrices dépigmentées. Un contrôle clinique doit être réalisé au décours pour évaluer l’efficacité et renouveler au besoin la séance.
  • La chirurgie :
    Elle est réalisée en cas de kératose actinique évoluée, suspecte d’être transformée en carcinome épidermoïde. Elle permet d’enlever la totalité de la lésion pour en faire une analyse histologique (analyse des cellules qui la composent).
Traitement du champ de cancérisation :

Cette option sera retenue en cas de lésions multiples dans une même zone

  • Imiquimod (Aldara® crème):
    C’est une crème qui stimule le système immunitaire, pour l’aider à éliminer les lésions. Elle s’applique 3 fois par semaine pendant 1 mois sur toute la zone atteinte. Son efficacité doit être vérifiée 4 semaines après la fin du traitement. En cas de persistance des lésions, il est possible de renouveler le traitement pour 4 semaines supplémentaires. Ses effets indésirables sont essentiellement locaux : une irritation avec rougeur, un gonflement et une sensation de brûlure. Ils sont cependant garants de l’efficacité de ce traitement : les érosions et les croûtes souvent observées, certes douloureuses, sont le témoin de la destruction de la lésion. Elles sont dans tous les cas suivies d’une cicatrisation à l’arrêt du traitement. Des réactions plus générales, comme une fatigue ou un syndrome pseudo grippal, peuvent être observées.
  • 5-Fluorouracile ou 5-FU (Efudix® crème) :
    C’est une crème qui contient une molécule utilisée dans certaines chimiothérapies. Elle est efficace à raison de 2 applications par jour pendant 6 semaines sur tout le champ de cancérisation. Ses effets secondaires locaux, comparables à ceux de l’imiquimod, peuvent limiter son utilisation. Son efficacité doit être contrôlée à la fin du traitement.
  • Diclofénac (Solaraze® gel) :
    Ce traitement est un anti-inflammatoire à appliquer 2 fois par jour pendant 2 à 3 mois. Il est en général très bien toléré, mais n’est pas remboursé par l’Assurance maladie. Il est actuellement moins utilisé que les autres traitements.
  • Mébutate d’ingénol (Picato®) :
    C’est un nouveau traitement, à base de chimiothérapie locale. C’est un traitement efficace et rapide, mais il n’a pas été encore comparé aux autres traitements, comme la cryothérapie, l’imiquimod et le 5-FU, et il est indiqué en deuxième intention. Il entraine des effets secondaires locaux comparables à ceux de l’imiquimod et qui régressent spontanément en 2 semaines. Il est appliqué sous forme de gel, 1 fois par jour pendant 2 ou 3 jours consécutifs et induit la mort des cellules atypiques constituant les kératoses actiniques.
  • Photothérapie dynamique :
    La photothérapie dynamique peut être proposée en première intention en cas de grandes surfaces atteintes de kératoses actiniques. Elle consiste à appliquer sur le champ de cancérisation, une crème contenant des molécules qui pénètrent les cellules atypiques et s’activent sous l’effet d’une lumière rouge intense, pour les détruire sélectivement sans léser la peau normale. Comme les autres traitements, cette technique a l’avantage de traiter même les lésions qui ne sont pas encore visibles cliniquement. Par ailleurs, elle ne présente pas les contraintes imposées par les autres traitements locaux qui doivent être appliqués tous les jours pendant plusieurs semaines. En effet, une seule séance est nécessaire : elle comprend une première phase d’application de la crème qui doit rester en contact avec la peau pendant 3 heures, puis une phase d’illumination qui dure une dizaine de minutes. Elle peut provoquer une douleur, parfois vive, pendant la séance d’illumination, limitée par la vaporisation d’eau et/ou l’application d’air froid. Les croûtes qui apparaissent dans les jours qui suivent, tombent en moins de 2 semaines avec un résultat esthétique en général très satisfaisant. Un contrôle doit être fait 3 mois après, pour évaluer l’efficacité et une deuxième séance peut être réalisée si besoin.

Comment prévenir l’apparition des kératoses actiniques ?

Photoprotection :

Les kératoses actiniques sont le marqueur d’une exposition solaire excessive. Pour éviter leur apparition, le meilleur moyen est de respecter certaines mesures de photoprotection (protection contre les UV).

  • Ne pas s’exposer au soleil entre 11h et 16H.
  • Ne pas exposer les jeunes enfants de moins de 3 ans.
  • Avoir si possible une protection vestimentaire (vêtements anti-UV ou de couleur sombre avec un tissage serré, chapeau à bords larges) et pour les zones découvertes, appliquer régulièrement toutes les 2 heures, et après chaque bain ou activité physique, un écran solaire d’indice élevé SPF 50.
  • Ne pas s’exposer aux UV des cabines esthétiques.
  • Se méfier de certains faux amis : la réverbération des sols (neige, sable, eau), le vent diminuant la sensation de chaleur, l’altitude, la latitude, une faible couverture nuageuse.

Pour ces raisons, ces mesures de photoprotection doivent être observées aussi bien à la plage qu’à la montagne, lors d’activités physiques, sportives, ou même professionnelles à l’extérieur (jardiniers, enfants à l’école…), par beau temps ou par temps nuageux.

Par ailleurs :

  • Aucune crème solaire ne constitue un “écran total“. On a longtemps véhiculé cette fausse idée par la commercialisation d’écrans solaires mentionnant un indice 100. Actuellement l’indice SPF maximal (contre les UVB) est de 50. Pensez à vérifier l’indice UVA qui n’est souvent pas spécifié sur les flacons.
  • L’application d’écran solaire ne dispense pas du port de vêtements couvrants au mieux anti-UV, souvent plus efficaces. Elle ne doit pas vous inciter à prolonger les expositions.
  • Il faut savoir que l’indice spécifié sur les produits solaires n’est respecté que si l’on applique l’équivalent d’une phalange de crème sur le dos d’une main (équivalent à 2 mg de crème par cm2 de peau, dose utilisée in vitro pour déterminer les indices). En pratique, la quantité habituellement utilisée est divisée par 2 ou 3 et ne permet pas d’obtenir le niveau de protection indiqué.
  • L’immersion à 1 mètre sous l’eau n’arrête que 50% des UV.
  • À 18 ans un adolescent a utilisé plus de la moitié de son capital solaire, correspondant à la quantité totale de rayons du soleil que chaque individu peut recevoir tout au long de sa vie sans risque de développer un cancer.

 

  • Dépistage régulier des sujets à risque :
    Une auto-inspection régulière de votre peau permet de détecter un bouton, une croûte, une zone de peau rouge et rugueuse qui pèle sans cesse. En cas d’incertitude, l’avis d’un dermatologue permettra de lever le doute.
    Par ailleurs, une consultation régulière au moins annuelle, est préconisée pour les sujets à risque. Elle permettra de repérer de nouvelles kératoses actiniques et de dépister des cancers de peau (carcinomes ou mélanome) dont la survenue est plus fréquente chez eux.